Ça fait 5 ans que Nomad's existe. Quand je dis ce chiffre, j'ai l'impression d'avoir fait une énorme erreur de parcours... pourquoi est-ce que je ne suis pas encore à la tête d'une multinationale ? Et pourtant, en y réfléchissant un peu j'ai toujours des circonstances atténuantes. Les attentats, les grèves, les gilets jaunes ont rythmé les dernières années, et nos possibilités. Et puis la cerise sur le gâteau de la galère : le Covid.
Alors oui, j'ai toujours peur que les "circonstances atténuantes" ne soient que des excuses pour ne pas se bouger au max, et on ne va pas se mentir, elles le sont de temps en temps. C'est facile de se cacher derrière le contexte pour justifier qu'on ne tente pas telle ou telle chose, qu'on ne recontacte pas les investisseurs, ou qu'on ne lance pas la prochaine ville.
Mais en même temps, tous ces événements jouent aussi sur la chose la plus importante pour le développement de mon entreprise, étant solofounder : moi et mon moral.
La peur, la démotivation, la flemme de pivoter et de tenter un énième truc qui sera saboté par la prochaine circonstance... L'assurance homme-clé (femme-clé en l'occurrence) devrait sûrement prendre en charge des séances de psy et de coaching pour les dirigeants en 2020.
Bien-sûr qu'il y'a eu bien plus de bonheur et d'apprentissage que de malheur depuis 2016, mais franchement 2020... Vraiment relou. Notre métier est principalement de faire des massages dans les bars, restaurants, en entreprise et événementiel. Je crois que je n'ai presque pas besoin d'en dire plus pour décrire 2020.
FLASHBACK
2019 est une année charnière pour nous, une année qui assoit enfin notre légitimité, et qui n'augure que croissance. Nomad's devient enfin une SAS, la volonté et la vision sont là à 1000%. Pour 2020, pleins de contrats long terme déjà prévus, des énormes événements, une année pour ainsi dire de décollage, enfin, avec le salaire qui va avec, le recrutement, le développement dans d'autres villes, la recherche de fonds, la totale.
Début mars 2020, il est prévu que nous soyons prestataires du MIPIM (énorme salon immobilier à Cannes) et que nous y proposions des massages. Je dois y faire une conférence en anglais au sujet du Bien-être dans le monde professionnel. Ça y'est, ma carrière de conférencière (mon rêve secret depuis toujours) peut enfin commencer, et nous avons tout organisé pour descendre à 4 à Cannes vivre notre meilleure vie. #firstrealbusinesstrip
L'annulation du MIPIM est la toute première annonce précurseuse de la suite. Dans l'événementiel on l'a ressenti avant tout le monde je crois. Je me souviens de discussions enflammées avec des amis persuadés qu'on ne confinerait absolument jamais, et j'étais déjà sûre que oui. Et tout est allé super vite, d'annulation en annulation, le rêve de 2020 s'est écroulé comme un château de cartes que j'avais mis 4 ans à construire.
PREMIER CONFINEMENT
J'ai passé le premier confinement sous le signe du déni et de la rage profonde. Je n'avais pas mis tout ce temps à construire quelque chose mini-pierre par mini-pierre pour tout perdre d'un coup. On oublie souvent une chose importante: entreprendre ça use, surtout quand on est totalement autodidacte et qu'on essaye de tout faire autrement. On a besoin d'avancer et de voir le progrès pour continuer, de sentir qu'on va quelque part, que tout ce boulot a un sens. On a pas la même patience et force au tout début qu'après quelques années. Et surtout les "setbacks" sont insupportables. Il faut à chaque fois retrouver la force en soi d'y croire, de se relever, de motiver les troupes... C'est soit une vrai vocation, soit on abandonne après 1 ou 2 ans grand max car trop épuisant.
Encore une fois, je pense qu'avec des associés / investisseurs, on est moins seule, franchement j'en rêve la nuit. #àbonentendeur
J'ai des super collègues, une équipe merveilleuse de prestataires, mais "at the end of the day" comme on dit, c'est moi toute seule qui porte le poids des décisions et la culpabilité de ne pas faire vivre le rêve promis à cette équipe que j'aime tant.
Et puis, c'est pendant le premier confinement qu'on décide de quitter notre bureau après 2 ans. Nous sommes deux entrepreneures en colocation dans un immense bureau dans le 2ème arrondissement, et ce bureau est le centre névralgique de non seulement mon entreprise, mais aussi ma vie sociale, professionnelle, et festive (mon dieu le nombre de soirées...^^), et ma coloc' est, en plus d'être une amie très chère, ce qui peut le plus se rapprocher d'une associée. Fini donc les sessions de brainstorming jusqu'à pas d'heure, le réconfort, les fous rires, les apéro, les danses en plein milieu de l'aprèm. Gros retour en arrière à bosser seule sur mon canap.
Ce premier confinement, franchement j'ai ... gigoté, il n'y a pas d'autre mot. J'ai pédalé dans la semoule, j'ai fait pour faire, pour ne surtout pas m'arrêter et ne pas regarder les choses en face. Nous avons fait énormément de choses en interne avec notre équipe pour rester soudés, faute de pouvoir travailler : des concours à n'en plus finir, des apéros Zoom toutes les semaines, des présentations sur les réseaux sociaux, des lives sur Instagram .... et en vrai, c'était super cool et on a fait au mieux, mais pas dans une démarche de changement. C'était surtout maintenir le statut, pour pouvoir reprendre exactement où l'on s'était arrêté par la suite.
Tout ça n'a pas servi à rien, nous avons créé et renforcé du lien, eu de nouvelles idées, mais tout cela m'a épuisé. Je suis sortie du confinement plus fatiguée que jamais et pas loin d'un sentiment de burn-out, alors qu'avec le recul j'aurais pu faire un peu autrement. Je pense que j'étais motivée par la peur que ça ne reprenne pas, il fallait donc que ça ne s'arrête pas.
SUMMER ET RENTRÉE 2020
À notre grande surprise à tous, l'été a été fantastique à Paris pour nos équipes de retour dans les bars et restaurants ! À la sortie du confinement, cette énergie qu'on avait cultivé à rien faire a littéralement explosé dans tous les sens et nous avons repris de plus belle, les gens avaient besoin de contact et de Bien-être et c'était simplement la folie. Enfin, le retour de l'espoir et de la motivation. Du côté B2B, nos clients adorés qui n'étaient pas en vacances sont revenus et on a ressenti une vraie fidélité et utilité, du baume au cœur.
J'ai passé un mois en vacances à vadrouiller dans le sud de la France, jusqu'à cette belle soirée à Marseille ou deux de mes Nomad's adorées m'annoncent qu'elles sont là et qu'elles veulent me voir. Autour d'un verre dans le jardin de la maison, j'apprends qu'elles déménagent à Marseille et qu'elles souhaitent y ouvrir Nomad's. BIM ! La meilleure nouvelle, j'adore les nouveaux départs et en 10 jours début septembre, nous recrutons et formons la première équipe, créons le site internet, et trouvons nos premiers bars et restaurants ... la machine se lance toute seule ! C'est facile, agréable, l'énergie et le soleil de Marseille nous portent à bout de bras, tout est possible et c'est réellement l'euphorie !
Alors oui, on se doutait que l'hiver ramènerait un confinement, mais encore une fois être entrepreneure c'est avoir un besoin de créer et d'avancer sans cesse. On voit une brèche, on s'y engouffre et on voit après.
L'automne, c'est aussi le vrai début de la fin : les masques dans les rues, puis les bars qui ferment, puis les restaurants, puis le confinement bis, certes moins mal vécu apparemment par la plupart mais dans les faits le même arrêt de travail pour nous.
Pourtant on a vraiment rien lâché. On est resté jusqu'au bout, jusqu'à nous faire chasser quand c'était plus possible, mais on est restés. Je ne voulais pas prendre l'initiative d'arrêter l'activité, dans le plus grand respect des gestes barrières, notre activité reste possible et même nécessaire, ce n'était donc pas à nous de mettre un stop et nous avons bien fait.
DEUXIÈME CONFINEMENT
Cette fois-ci j'étais préparée à ne pas refaire les mêmes erreurs, et surtout, ce qui lors du premier confinement avait des airs de "très passager" a maintenant un goût de "très permanent". Je sais qu'il va falloir changer des choses durablement pour être plus stable face aux circonstances externes et ne pas souffrir de chaque contexte changeant. Je me concentre donc sur le futur, et décide de faire du travail de fond. C'est le moment d'ouvrir les tiroirs des projets et de voir ce qui aujourd'hui pourrait être développé de façon pérenne.
Déjà fin 2019, nous avions prévu de travailler sur une diversification, et de proposer pleins d'autres expertises Bien-être au delà du massage. Ces expertises, nous voulions les trouver exclusivement au sein de notre collectif ( 75 personnes à ce jour) et proposer un tout nouveau catalogue en entreprise, signé Nomad's.
Fin 2020, nous décidons de non seulement proposer toutes ces nouvelles offres en entreprise et de lancer un catalogue de prestations "en ligne" (pour les équipes en télétravail), mais aussi de créer une version Beta d'une plateforme B2C pour que nos merveilleux Nomad's puissent proposer leurs prestations à domicile / en cabinet / en ligne pour le grand public.
Un défi de taille, étant depuis le début une entreprise résolument B2B, c'est un tout nouveau challenge qui pourrait faire un gros plouf, mais aussi et surtout une occasion d'apprendre à connaître un nouveau marché et de faire de nouvelles expériences. Alors oui, tout est encore en version Bêta, il doit y'avoir des liens morts partout et des fautes d'orthographes à n'en plus finir, mais là j'ai décidé d'être en vacances pour de vrai et de passer la dernière semaine de 2020 à faire le bilan, affuter la vision 2021, jouer énormément à Assassin's Creed Valhalla et dessiner sur mon nouvel Ipad.
LE BILAN
On ne va pas se mentir, l'année a été désagréable avec une motivation et une vision en dent de scie. Etant entourée même dans ma sphère privée d'une majorité d'entrepreneurs et de freelance, j'ai vu le désespoir, les liquidations judiciaires, j'ai vu des gens se battre avec tout ce qu'ils ont et d'autres abandonner, et j'ai eu mal au cœur 1000 fois. Je suis profondément passionnée par la création et admirative de toutes ces personnes autour de moi qui prennent des risques en créant et en cherchant l'accomplissement de soi avant la sécurité. Pour toute ces personnes, moi inclus, l'année 2020 aura été particulièrement difficile.
J'espère du fond du cœur que nous ne sommes pas brisé·e·s en nôtre fort intérieur. Cet effet yoyo 2020 peut avoir comme side-effect un profond sentiment de "à quoi bon", j'en ai ressenti les prémisses chez moi. À quoi bon se prendre la tête si plus rien n'est prévisible ? A quoi bon bosser pour le long terme, alors qu'il n'existe plus ? Pourquoi pas un petit CDI au chaud dans une boite non impactée par le Covid au lieu de galèrer ?
Alors oui, il y'a eu les aides (dont je ne peux pas bénéficier faute d'un mauvais code NAF, la blague) qui ont maintenu pas mal d'entre nous à flot, mais on entreprend pas pour se maintenir, on entreprend pour avancer peu importe la direction choisie. L'immobilité tue à petit feu l'envie d'entreprendre, et je nous souhaite collectivement de garder le feu sacré pour 2021, de ne pas arrêter d'y croire, et d'avoir au moins appris de 2020 à être plus agiles et préparés a la suite, come what may.
J'ai commencé à écrire ce texte en me disant que 2020 c'était vraiment une année de merde. En arrivant là, je me dis que quand même, on a réussi malgré tout à ouvrir une nouvelle ville et à y implanter une petite équipe géniale, à maintenir l'équipe à Paris, à bosser dès que c'était possible, à vendre nos premières prestations B2B en ligne, et à totalement recréer nos sites internet avec un site dédié au B2B, un site au B2C et une nouvelle plateforme en ligne.
Ce n'est que le début, il reste tout à faire mais nous avons poser les fondations pour décoller dès que ce sera à nouveau possible et nous avons entamé la digitalisation qui, je l'espère, nous permettra de faire face à toutes les épreuves à l'avenir.
Au final, pour 2020 c'est plutôt pas mal ! Merci à mon équipe d'amour d'être toujours là et on va démarrer 2021 avec de l'énergie à balle et la conviction profonde que "Wallah, on va rien lâcher et tout déchirer".
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